Dans les townships de la ville du Cap en Affrique du Sud, il n’est pas rare de croiser des habitants avec un énorme trou à la place des dents de devant… Vous pensez à un problème de santé ? Détrompez-vous, il s’agit en fait d’une histoire d’une tradition et même, de mode !
Personnes âgées, mères de familles ou jeunes garçons… Ils sont nombreux à arborer fièrement ce sourire original appelé "sourire des Cape Flats", du nom d'une banlieue du Cap.
France Info a recueilli le témoignage de Wedaad, une habitante de Hanover Park qui s’est fait retirer ses 4 incisives et ses 2 canines, parfaitement saines, alors qu’elle était au lycée : « J’ai fait enlever mes dents de devant, six d’entre elles. Et depuis je n’ai pas remis de fausses dents. En fait j’aime bien, je l’ai fait parce que c’est assez populaire ici. Vous voyez, on se sent plus beau, plus séduisant. »
« Quand on est jeunes, on le fait aussi parce que tous nos amis le font, et on ne veut pas se sentir rejetés. » a-t-elle expliqué.
Si, en grandissant, certains comme Weedad choisissent de garder un trou à la place des dents de devant, d’autres optent pour une variante qui consiste à remplacer les dents manquantes par des prothèses en or ou en argent. Beaucoup aussi se dotent d’un dentier amovible, pour pouvoir choisir quand exhiber leur "sourire des Cape Flats" ou non.
Jacqui Friedling, enseignante à l’université du Cap, est l’une des très rares scientifiques à avoir étudié le sujet, et a tenté de retrouver l’origine de ce phénomène : « Historiquement, explique-t-elle, des formes de retraits dentaires étaient aussi pratiqués dans d’autres endroits d’Afrique, afin d’identifier les membres de son ethnie. Ici, au Cap, on pense que la pratique est arrivée par les esclaves déportés au sein de la colonie. »
Elle confirme qu’il s’agit aujourd’hui encore d’une forme d’identification : faire enlever ses dents est une sorte de rite de passage chez les plus jeunes pour être inclus dans la communauté.
Si pendant un temps, cette pratique était plus courante au sein de la communauté des « Couloured » – la population métisse du pays – elle s’est aujourd’hui répandue au-delà. Pour certains, il s’agit de l’influence des gangs qui sévissent dans les townships qui auraient popularisé cette pratique. Pour d’autres, la raison est plus « intime ». Surnommé le « passion gap », le « gouffre de la passion » permettrait de meilleurs baisers, et plus si affinité...
Les plus anciens ont certes quelques regrets, lorsque leurs autres dents commencent à bouger, voire à tomber à cause de ce trou au niveau des incisives. Mais quelles que soient les raisons données ou les conséquences à subir, ce sourire unique reste toujours très en vogue dans les Cape Flats.
Source : France Info
Comments